EXPLICATION de TEXTE from LABA

Ou comment des voix se font entendre, sans l’aide des ondes ni des écrans humains, dans l’expérience créatrice musicale de la Société des Amis du là-bas et de la Natural Dub Compagnie


(L’humaine condition souffrante :

Hooooo

(Le Diable s’en jouant :

Hahahahah

(Une voix dans le désert, en langue commune, la plus véhiculaire, universelle du moment :

Have you lost your peace of mind ?
Couldn’t it be you’ve lost your peace of mind ?

(Quelques témoins semblent approuver la justesse du questionnement

(Ce chanteur anglophone, puis occitanophone de passage, finalement francophone, semble soucieux de rester présent à toute heure s’en mêle :

From là-bas, 7/7, 24/24

(Dédicace à l’ami de la 24tribe, NoWorx, le for ever affairé aux machines et à sa théorie des brebis)

Recollectionne toutes tes pensées, souviens toi à quelle heure tu t’es levé, et où c’était…
Quand tu ne sais plus d’où tu viens, ni où t’en es, regarde derrière le chemin que t’as fait,
Et laisse personne d’autre décider !

(Allusion au proverbe créole, nous y reviendrons, de La Réunion :
Kan ou zoné pa ousa ou sava, argard in kou ousa ou sort, lequel est l’origine cousine de la variante que lui donna le Jamaïcain Marcus Garvey : A people without the knowledge of his history is like a tree without roots, ce qui retraduit en kréol LaRényon donne : In pèp i koné pa son listwar lé kom in piédbwa san rasin

(La voix du désert, questionnant à nouveau :

Have you lost your mind ?

(L’humaine condition se tait, mais une voix, seule, se rassure en même temps qu’elle nous rassure :

Oh no no no no

(A moins que ce soit le questionnant qui se désole de voir tant d’hommes ayant perdu leur paix d’esprit…

(C’est à ce moment qu’un chanteur antillais (oui, un Haïtien peut-être, bien que plus francophone que créolophone, mais un descendant d’esclave assurément, lesquels savent que face aux chaînes, aux oppressions, à l’aliénation, ne demeurent véritablement efficaces que la résistance et l’unité, celle de l’individu que le système a pourtant tenté de morceler, autant que celle du collectif qui peut être trouvée au moyen de la musique, de la religion, de l’espoir… en des lendemains chantant. C’est du reste le message que portèrent à partir de la Jamaïque et des Caraïbes le reggae et le dub, tous deux issus de la pensée rasta, aux oreilles de la planète à partir des années 1960. Ce morceau en est une émanation directe bien répercutée sur ses propres racines, floraisons et parfums d’enfants de France), Antillais français donc plutôt, Martiniquais par exemple, prend la parole sur le mode aujourd’hui bien connu de la revendication attenante aux musiques dites urbaines, elles aussi issues des formes musicales des descendants d’esclaves américains :

Laisse moi exploser ta 5G…
Envoie bouldinguer la 5G !
Laisse moi exploser ta 5G…
Envie de déboulonner la béquée !
C’est pas parce qu’on n’en a pas manger qu’on veut goûter !

(Ces phrases sonnent l’appel à l’insurrection contre le gavage ordinaire des gosiers, à présent des cerveaux pris dans les maillages d’ondes servant toujours plus à réduire la marge de manoeuvre libre. Si boulinguer peut laisser penser à un mot créole alliant bourlinguer et valdinguer, qui en soit sont très explicites, déboulonner sonne clairement le clairon de la résistance face aux Béké, cette classe dirigeante, traditionnellement nantie des îles à sucre, qui, à l’image de celle qui domine notre planète actuellement, possède les industries de l’information et donc le sésame de ce qui se vraissemble juste ou faux. Le rejet du goûter, heure des enfants, heure du sucre, par laquelle on fait avaler tout et n’importe quoi sous prétexte de « douceur » (douceur de la coercition culturelle, douceur de l’enfermement dans l’entre-soi, douceur de la relation médiatisée par écran…) à une population tenue captive sonne, précisément, comme le refus enfantin, simple comme un bonjour, mais toujours balayé d’un revers de mot par l’adulte. Non, nous ne mangerons plus de ce pain là. Mais ici nous retrouvons la question créole dans toute son ambiguïté, comment changer un système si puissant ou comment obtenir de l’autorité qu’elle nous laisse exploser ses cadres ? Comment ne pas s’en tenir à des espoirs sans lendemain, qui n’en resteront sinon qu’au rang de pieuses aspirations et d’intuitions s’émoussant ?

(Et là encore, une nouvelle voix, créole, mais anglophone cette fois, probablement jamaïcaine, nous annonce l’authentique voie de sortie habituelle du dilemme sociologique du libre arbitre en situation totalitaire par l’appel à la danse, au geste du mouvement décentré, contraire, contradicteur et libéré, geste oral ou physique — quantique — mais toujours performatif se réalisant sur le champ, dans l’instant :

Reactive Back Side Flip, Ina Motion On Da Riff !

(Ou le backflip réactif, en mouvement sur l’air de guitare…  Lequel évoque Ernest Rangglin, un des grands guitaristes du reggae.

(Et la voix antillaise, à présent redevenue citadine, immigrée et réimplantée en France :

Come come calme calme ta 5G
J’en n’ai pas eu besoin pour démarrer
Encore une fois sur 4, 5, 6 passées

(Il nous parle des vies antérieures qu’il dut vivre dans la sienne de vie, sa chienne de vie parfois qui n’ouvre un ghetto que pour en découvrir un autre, une vie qui demande de bouffer du lion au réveil, à moins qu’il ne s’agisse de sans cesse rencontrer le dragon

(Avec la guitare distordue, s’intensifie le message… celui de la résistance et de l’emphase identitaire menant les riff de guitare jusqu’à leur précipité mélodique : une ascension brève, suivie d’une chute, saut d’esprit !

On vit tous en 4, 5, 6 D(imensions)
On va pas se scinder !
Ni apprendre à se singer !

Tu te fous de moi ?
Tu me prends pour toi ou quoi ?

(Et la voix du désert recommence ses recommandations liées au Livre de l’Apocalypse cette fois avec le retour des guitares wah-wah de l’introduction mêlées à celles de Rangglin — sorte d’agent pangolin du virus reggae/jazz de ce Dub d’ici — et de l’intensification immédiatement précédente, sans distorsion toutefois, signalant l’apaisement de la réflexion :

The Beast has a number, watch out it’s written on your front door
Watch out it’s written on your head

(Et sur un rythme s’envolant sur le temps doublé, tout le monde tombe d’accord sur l’objectif de liberté, de danse, à mesure que reviennent les guitares distordues :

Front head, front door, fronty head

(Du moment que demeurent l’affront, la confrontation effrontée… Et NoWorx de balancer le tout dans son mix pour bien atteindre un niveau supplémentaire et BenLaBa d’entamer la ritournelle vocale d’une onomatopée – tatatan, lalala, tététin, lélélé, tatatan – qui finira par laisser surgir un autre tour de langues, celui d’une voix assagie sachant jaser la plage auditive jusqu’en occitan troubladin et résumer la situation :

Invisible… macarel*
A fond les ondes
Al diaplès** !

(Qui signifie en occitan : *putaingcong et **Par tous les diables
Lesquels reviennent d’ailleurs, ricanant, alors que la dernière voix continue d’interpeler, de questionner :

E olèro ? (Et alors ?) et de trancher :

Et avec sans fil, les ondes vol pa rès (ne valent rien)

(Puis de rappeler l’origine des ondes, au fil desquelles nous avons tous appris la vie, son flux, son courant :

Laisse l’eau te laver, laisse l’eau te baigner, laisse l’eau te filtrer

et recommencer

(La parole revient au citadin français qui, dans un accent rappé du dédain que mérite de se faire adresser un monde déclinant et décadent ne sachant plus se vivre lui-même :

Vous me faites mal, il n’y a qu’à regarder la réalité

(Celle des douceurs… voir ci-dessus)

Vous nous faites mal,
mais cette fois je ne vous laisserai pas passer

Macarel !

(Reviennent les luttes anglo-saxonnes du sens pour achever le morceau sur la certitude de la victoire mêlée à la question du choix fatal de l’engagement à choisir ses chaînes, ses combats, ses règles dans la vie :

Gotta beat them all !

(en boucle, réminiscence d’une reprise effectuée par New Order lors d’une Peel Session entendue vers 7ans par BenLaBa

(Une dernière voix, qui est-elle ?, de se demander l’impossible…

Who is living and who is dead ?
Who knows ?

(Le morceau s’achève sur le riff de la roue libre de l’eau, que l’on avait entendu distordu plus tôt, au moment du « recommencer »…

 

Morceau à danser, rejouer, questions à se poser, libérer, solutionner,

ici comme là

 

PS : « Toutes eaux sont une seule » est le credo de ce benlaba.land